En Mission Locale particulièrement, l’accompagnement est la clé de voûte des diverses actions proposées. Le temps de l’interview, direction et coordination de la Mission Locale d’Ixelles partagent avec nous ce que, pour eux, revêt la notion d’accompagnement du public.
Quels services la Mission Locale d’Ixelles propose-t-elle ?
Nous intervenons potentiellement sur tout aspect qui peut amener une personne à s’insérer socio-professionnellement. Aussi, notre spectre d’actions est très large et en constante évolution. Parmi les services proposés actuellement par la Mission Locale, il y a bien sûr la recherche d’emploi et de formations. Celles-ci se déclinent en différentes actions, allant de l’orientation professionnelle au suivi psychosocial, en passant par le job coaching, la Table d’Emploi ou encore l’aide à la création de son activité professionnelle… pour n’en citer que quelques-unes ! L’accompagnement du public-cible se fait donc sous différentes formes et différentes temporalités, en fonction des besoins diagnostiqués.
Ainsi, l’orientation professionnelle se fera en groupe ou en individuel, le suivi psychosocial sera réalisé en parallèle de la recherche d’emploi ou constituera une étape spécifique. Il s’agit dans ce cas de lever les difficultés sociales lourdes
(logement, endettement, …) qui entravent la recherche d’emploi ou de formation. Une référente sociale assure cette activité qui permet de ne pas perdre le lien avec le demandeur d’emploi, en évitant qu’il ne décroche.
En complémentarité directe de la recherche d’emploi, le job coaching permet d’aborder la préparation à la rencontre avec l’employeur, les attitudes professionnelles, les tests de recrutement. D’autres actions viennent compléter l’offre : l’activité en économie sociale d’insertion via le statut PTP ou ACS d’insertion, la formation ou encore l’accompagnement à la validation des compétences pour les métiers de l’HoReCa, entre autres. Les jeunes de moins de 30 ans font, quant à eux, l’objet d’un accompagnement spécifique, mis en place bien avant la Garantie Jeune.
Bref, nous abordons la relation d’aide en général et spécifiquement l’accompagnement dans les actions en vue de décrocher un emploi à terme. Cette démarche a pour aspect central l’écoute et pour ambition de travailler dans un rapport de confiance avec les demandeurs d’emploi les plus fragilisés (niveau faible de qualification, longue durée d’inactivité, difficultés d’ordre familial, économique, social, etc.).
Qui accompagne le public ?
L’équipe compte neuf conseillers, dont le profil initial est relativement homogène car la plupart dispose d’un master en sciences humaines et bénéficie d’une expérience dans d’approche du public. Au-delà du diplôme, le vrai plus de notre équipe est la solide fibre qu’ils ont pour le contact humain et l’aide aux personnes. C’est aussi sa dynamique positive qui est perçue comme une source de motivation non négligeable à se crapahuter chaque matin jusqu’au numéro 30 de la rue du Collège… L’équipe peut aussi s’appuyer sur les compétences des collègues comme la référente sociale, les animatrices de la Table Emploi, les agents de développement ou encore les agents d’accueil. Le rôle du conseiller, en tant que référent principal du chercheur d’emploi, est alors de guider la personne entre les étapes de son parcours et les services de la Mission Locale. D’autres activités, comme la mise en place de modules d’initiation aux TIC ou encore les collaborations avec le service Emploi de la commune d’Ixelles, sont autant de ressources disponibles à mobiliser le cas échéant.
Selon vous, quelles sont les conditions pour qu’un accompagnement puisse être réalisé ?
Que la personne vienne au rendez-vous fixé ! Plus sérieusement, la notion de confiance est essentielle. La personne doit se sentir respectée, écoutée et entendue pour qu’elle dépose « les éléments » nécessaires au travail d’accompagnement. Nous devons faire alliance, sinon il sera très compliqué d’être efficace dans la co-construction d’un projet qui ne nous appartient pas et que la personne doit porter elle-même. Par ailleurs, il nous semble important de renvoyer la personne à ses responsabilités : c’est à elle de nous utiliser au mieux selon ses besoins et dans ce cadre de co-construction clairement établi dès le début de l’accompagnement. Positionner les limites de chacun est une condition primordiale pour éviter de faire naitre des attentes qui ne seront pas remplies, sources de déception, voire de méfiance. Il est également nécessaire de lever les freins et les contraintes afin de pouvoir travailler la motivation et ce qui fait sens pour la personne. Cela nécessite du temps mais c’est aussi nécessaire pour un accompagnement durable. Souvent, la personne espère que deux rendez-vous seront suffisants pour décrocher un emploi, mais c’est en général beaucoup plus long.
Qu’est-ce qui évolue dans vos pratiques ?
Depuis plusieurs années, et quelle que soit la fonction en lien avec l’accompagnement, les tâches administratives sont de plus en plus nombreuses, complexes et chronophages. Nous pouvons aussi noter que le travail est de plus en plus spécialisé : l’accompagnement par notre Mission Locale reste global mais il est réalisé par plusieurs intervenants et nonplus par un seul conseiller « touche à tout ». En revanche, c’est toujours le conseiller qui fait le lien entre ces étapes et qui est garant de leur bonne articulation pour proposer un parcours individuel et cohérent. En période de confinement, les demandeurs d’emploi comme les travailleurs étaient chez eux. Le suivi s’est donc fait par téléphone, ce qui semblait jusqu’alors compliqué. Le suivi téléphonique ne remplace pas un accompagnement en présentiel mais il le complète. Par ailleurs, si les méthodes de recrutement évoluent du fait du déploiement du télétravail dans notre société, alors il nous faudra revoir nos méthodes d’accompagnement. La Table Emploi qui dispose d’un parc informatique et d’une animatrice peut, par exemple, être utilisée en job coaching pour travailler postures et attitudes professionnelles en visioconférence. D’une façon générale, cette période a donné lieu à de nouvelles synergies entre les travailleurs qui ont fait émerger de nombreuses idées pour tester d’autres pratiques. Le piège à éviter à présent est que ces changements, induits par une situation particulière, soient rendus structurels sans une réflexion sur leurs sens et les changements qu’ils sous-tendent dans la culture de notre asbl.
Un autre point de réflexion actuelle porte sur notre espace Table Emploi. Depuis quelques années, il semble que les chercheurs d’emploi soient moins demandeurs d’un accès à des outils informatiques tels que proposés et ce, malgré le soutien individuel et personnalisé de nos animatrices présentes quotidiennement. Ce soutien est pourtant un des points forts de notre Table Emploi. De plus, la fracture numérique est toujours bel et bien présente. S’il est vrai que de plus en plus de personnes, même fragilisées, disposent aujourd’hui d’outils tels qu’un smartphone, une tablette ou un PC, il semble que l’utilisation qui en est faite, spécifiquement dans le cadre de la recherche d’emploi, n’est pas toujours adéquate. C’est pourquoi nous sommes également en réflexion sur une manière de réorganiser ce service. Nous nous préparons également à la mise en œuvre de la Garantie Solution. Parallèlement à cela, nous sommes en réflexion sur de nouvelles pratiques et méthodologies d’accompagnement. En effet, nous avons de plus en plus le sentiment que les « méthodes traditionnelles », telles que nous les avons proposées jusqu’à présent, ne permettent plus à une certaine frange du public que nous accompagnons de s’insérer. C’est pourquoi, nous nous intéressons de près à des méthodologies innovantes ou particulières telles que le Co-Searching qui semble faire ses preuves ou encore, à la méthode IOD que nous approchons déjà dans le cadre d’un partenariat avec la Mission Locale de Forest.De plus, depuis fin 2019, nous testons une formule de modules à la carte permettant au chercheur d’emploi de participer en fonction de la thématique qu’il désire aborder et ce, sans aucune forme de contrainte (liberté de participer au tout ou en partie et inscription uniquement si le chercheur d’emploi le désire). Nous comptons renforcer ce type d’activités en élargissant notre offre de services en matière d’accompagnement.
Pour vous, un accompagnement réussi, c’est…
Il peut être réussi à différents niveaux et étape par étape. Ainsi, obtenir l’équivalence de diplôme ou être autonome face à l’outil numérique sont autant d’objectifs qui contribuent à la réussite de l’accompagnement. Lorsqu’une situation très complexe éloigne particulièrement la personne du marché de l’emploi mais qu’un travail d’équipe, voire avec nos partenaires, permet d’avancer des pistes de solutions, c’est pour nous déjà une réussite. C’est notamment le cas lorsqu’une personne victime de violence conjugale finit par prendre un nouveau départ et se trouve enfin disponible pour la recherche de son futur emploi. Pour d’autres personnes, identifier « ce que je veux faire/ce que je ne veux plus faire » est parfois l’aboutissement d’un long travail. Ces cas de figure montrent à quel point nos conseillers font souvent face à des situations aussi diverses que multiples, allant du plus simple au plus complexe.
Le parcours peut être long, voire très long. Le cheminement est parfois composé de « petits » objectifs qui, atteints, contribuent à alimenter une dynamique positive et à garder le lien. Le défi pour notre équipe est aussi singulier que quotidien. Être disponible pour le public reste notre principale gageure… et celle-ci repose en grande partie sur la capacité de nos collègues à se soutenir et à s’appuyer sur les nombreuses possibilités de collaboration tant en interne qu’en externe. Loin d’être solitaire, le conseiller propose donc un accompagnement qui se veut avant tout « solidaire ». Aux confluences de son public, de son équipe, de ses partenaires et du marché de l’emploi, en misant sur la complémentarité des personnalités qui composent son équipe, la Mission Locale d’Ixelles semble avoir trouvé la recette pour atteindre ce qu’elle entend comme étant un « accompagnement réussi »
Source : Febisp – Le magazine de l’insertion socioprofessionnelle – n°125